Si la différence des personnes autistes est mise au grand jour depuis le début du XXe siècle, la révélation de leur potentiel et l’intérêt à leur égard sont récents et grandissants. En effet, alors que les études portant sur l’autisme avaient souvent tendance à le décrire à partir de problèmes (retard mental, déficience intellectuelle, etc.), de grands changements commencent à voir le jour. Les études s’orientent davantage aujourd’hui vers la reconnaissance d’une certaine forme d’intelligence («l’intelligence autistique»). Elle repose sur des connexions cérébrales différentes qui entraînent un développement différent et une gestion interne adaptée.
Une intelligence atypique qui suscite de plus en plus l’intérêt de certains secteurs professionnels comme la recherche ou l’informatique, à l’image de la Silicon Valley qui s’est construite sur la neurodiversité. Alors, qu’est-ce que l’autisme ? Comment se caractérise-t-il ? Peut-on parler d’intelligence hors norme ? Faisons le point dans cet article.
L’autisme : entre force et fragilité
Qu’est-ce que l’autisme ?
L’autisme, en lui-même, n’est pas une maladie et il n’existe pas de médicaments pour le soigner. L’autisme et ses caractéristiques restent très variés d’un individu à l’autre. C’est pourquoi on parle de troubles du spectre autistique (TSA), chaque personne se situant à un degré différent dans ce spectre. Encore aujourd’hui, aucun consensus n’existe quant à la nature exacte des causes de l’autisme, mais plusieurs chercheurs et spécialistes penchent désormais pour une explication d’origine neurologique, génétique et environnementale de l’autisme.
L’autisme serait lié à des troubles neuro-développementaux précoces, avec ou sans déficit intellectuel associé, qui se caractérisent notamment par une insuffisance de communication et d’interactions sociales (déficit de la réciprocité sociale ou émotionnelle), des comportements à caractère répétitif ainsi qu’une forte résistance aux changements, des centres d’intérêt et/ou activités restreints (voire obsessionnels) ou encore une hyper et/ou hypo sensibilité aux stimulis sensoriels. Tous ces signes s’expriment selon des fréquences et intensités variables selon les individus.
Quelle que soit l’intensité, l’autisme inclut pour la personne une façon de penser, de voir et de ressentir le monde d’une manière bien différente de la “norme”, telle que définie par les neuro-typiques (mot créé par les personnes autistes pour qualifier les gens qui ne le sont pas).
Une fragilité sous-estimée
Les personnes autistes doivent souvent faire face à une forme d’incompréhension de la part de la société en général. Pour s’adapter à cet environnement social et pour masquer leur “différence”, elles redoublent souvent d’efforts ; des efforts qui provoquent inévitablement du stress et de la fatigue. C’est pourquoi le diagnostic précoce est extrêmement important. Il va permettre d’apprendre à la personne à gérer au mieux les situations qu’elle rencontre (et rencontrera), tout en lui apprenant à se ménager. Le but est également de lui permettre de s’adapter aux codes sociaux et de lui donner toutes les clés nécessaires pour y arriver. Chez les enfants, cela peut s’avérer plus compliqué, notamment à l’école. C’est pourquoi l’enseignement doit s’adapter à la neurodiversité et proposer des outils adéquats à ces formes d’intelligence, et à certains troubles associés tels que la dyspraxie, la dyslexie ou encore le déficit d’attention. L’inclusion d’une manière générale prend donc tout son sens et toute son importance.
Une intelligence atypique
L’autisme : déficience ou différence ?
L’autisme, c’est une intelligence singulière qui repose sur un fonctionnement cérébral différent. Cette différence a été prouvée par des études cliniques et l’imagerie cérébrale, qui ont permis de comprendre la manière dont le cerveau raisonne et traite l’information. Il a été démontré en effet que certaines régions postérieures du cerveau, le lobe occipital, présentent un haut niveau d’activité alors que certaines parties du cortex préfrontal sont quant à elles moins actives.
Encore aujourd’hui, déficience intellectuelle et autisme sont trop souvent associés à tort. Pendant longtemps, les conclusions des tests sur l’intelligence autistique rapportaient qu’une grande proportion des autistes étaient déficients intellectuels. Les tests de QI courants font débat car ils accordent une trop grande importance à l’expression verbale, principale difficulté que rencontrent les autistes. Les outils pour mesurer l’intelligence autistique sont donc souvent inadaptés et des tests perceptifs, comme les matrices de Raven, devraient être davantage utilisés.
Une intelligence hors norme qui suscite l’intérÊt
Les capacités extraordinaires des personnes autistes sont souvent “masquées” par une communication sociale insuffisante ou par des troubles aigus ou chroniques associés (troubles de l’attention, troubles anxieux, troubles dépressifs, troubles alimentaires, troubles du sommeil, etc.). Ces caractéristiques font souvent de l’ombre à leur potentiel. Malgré tout, la tendance tend à s’inverser aujourd’hui et l’intérêt pour ce public atypique est croissant, notamment sur le marché du travail.
En effet, le surfonctionnement perceptif des autistes et leur traitement de l’information sont à l’origine d’une intelligence souvent « hors norme ». Les personnes autistes font preuve d’une certaine pensée, nommée “en réseau”, qui leur permet d’établir des liens que les neurotypiques ne feraient pas.
Les activités et les centres d’intérêt restreints des personnes autistes peuvent également avoir des effets bénéfiques sur leur potentialité. Ils permettent de développer une certaine rigueur et une certaine précision, appréciables dans certains secteurs professionnels.
De la même manière, l’hyper réceptivité des personnes autistes peut constituer une grande force. En effet, assaillies constamment par un afflux d’informations, les personnes autistes parviennent à percevoir davantage de détails, qui échapperaient aux “normo-pensants”.
Le 2 avril, journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, est donc l’occasion de reconnaître que la diversité est une véritable richesse. De nos jours, l’intelligence autistique est encore sous-estimée. L’autisme est certes une situation de handicap qui nécessite une prise en charge, mais les personnes autistes représentent également un réservoir de talents exceptionnels, encore trop souvent ignorés ou incompris.
On estime aujourd’hui que l’autisme toucherait 1 personne sur 100. En France, seulement 0,5 % des personnes autistes ont un emploi en milieu ordinaire (stratégie autisme 2018-2022). 23 000 usagers autistes sont recensés au sein des ESAT, soit environ 5 % des adultes (Rapport de la Cour des Comptes).