11 février 2005, la “loi handicap” est votée. Elle garantit l’accès de tout élève en situation de handicap à l’éducation en rendant possible son inscription dans l’établissement le plus proche de chez lui. Emmanuel Macron a fait de l’école inclusive un des points essentiels de son quinquennat. C’est pourquoi 15 ans après la loi handicap, le grand service public de l’école inclusive est lancé. Meilleure organisation du service des AESH (Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap), formation des enseignants, cellules d’écoute renforcées pour les parents… les mesures entreprises sont nombreuses et les résultats sont présents : le nombre d’élèves en situation de handicap inscrits au sein de l’Éducation Nationale a plus que triplé ces vingt dernières années. Cependant, de nombreux problèmes subsistent et l’inclusion rime encore trop souvent avec parcours du combattant pour certains. Alors, qu’en est-il réellement de la situation sur le terrain ? L’école inclusive tient-elle réellement ses promesses ?
L’école inclusive : une école pour tous
L’école inclusive : qu’est-ce que c’est ?
L’école inclusive a pour but de permettre à un enfant ayant un besoin éducatif particulier (handicap mental, trouble dys, trouble du spectre autistique, etc.) d’être scolarisé au sein même d’une classe “ordinaire”, à l’aide d’aménagements adaptés. Le nouveau rôle de l’école ne se limite donc plus à transmettre un savoir, mais permet de favoriser la socialisation de tous en luttant contre les discriminations et en réduisant les inégalités. En 20 ans, le nombre d’enfants ou adolescents en situation de handicap qui ont rejoint les bancs de l’école de l’Éducation Nationale est passé de 90 000 en 1998 à plus de 337 000 en 2019.
L’élève en situation de handicap peut intégrer une classe dite “ordinaire” avec des aménagements de planning, de structure, des supports pédagogiques adaptés ou encore l’affectation d’un(e) AESH. Il peut également être intégré au sein d’une école, collège ou lycée ordinaire, mais dans une classe spécialisée, avec quelques heures d’inclusion dans les classes ordinaires prévues dans la semaine. C’est ce qu’on appelle les ULIS (Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire). Il s’agit de classes spécialisées qui accueillent dix à douze élèves maximum, et où intervient un enseignant spécialisé en collaboration avec un(e) AESH en dispositif collectif (AESH-co) .
Des avancées notables
Avec la loi pour l’école de la confiance adoptée le 26/07/2019, les mesures de l’école inclusive sont renforcées. Les PIAL (Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisé) se développent, avec plus de 3 000 PIAL mis en place à la rentrée 2019, dans les établissements scolaires et les écoles. Ils permettent notamment de mettre en place, dans chaque département, des coordinateurs chargés d’organiser le travail des AESH, mais surtout d’établir un lien de proximité avec les familles. Ces dernières pourront faire appel aux différentes cellules départementales qui s’engagent à fournir une réponse dans les 24h.
La loi pour l’école de la confiance a également permis une simplification du PPS (Projet Personnalisé de Scolarisation). Établis sur demande des familles par la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées), ils ont pour but de proposer à chaque enfant une scolarité certes ordinaire, mais adaptée à leurs besoins (aménagement du temps scolaire, aides humaines, matériel pédagogique adapté). Pour les élèves aux difficultés scolaires durables, le PAP (Plan d’Accompagnement Personnalisé) sera mis en place en interne, sous la responsabilité du chef d’établissement et supervisé par le médecin scolaire.
Enfin, les avancées se situent également au niveau de la formation de l’équipe pédagogique avec la mise en place d’une plateforme Cap École Inclusive, accessible également par les AESH.
Les limites de l’école inclusive
Des enseignants souvent désarmés
Classes surchargées, manque de temps, les enseignants font souvent part de leur désarroi pédagogique et de leur sentiment de culpabilité de ne pas être à la hauteur.
La formation fait partie des questions essentielles souvent soulevées. Des outils existent en effet, mais les enseignants manquent souvent de temps et de pratique pour se former correctement. Certains prennent même sur leur temps personnel pour parcourir les outils pédagogiques mis à disposition. L’augmentation des inclusions n’a pas ralenti les fermetures de classes ou les suppressions de postes. Résultat : des classes surchargées et des enseignants à qui on en demande toujours davantage, et qui doivent faire face à une grande hétérogénéité de profils difficilement gérables.
Alors, bien qu’une très grande majorité d’enseignants se dit favorable à l’inclusion dans leur classe d’élèves à besoins spécifiques, beaucoup se sentent désemparés.
Une équipe pédagogique fragile
“Nous continuerons à encourager la scolarisation en milieu ordinaire des nombreux enfants qui sont aujourd’hui sans solution scolaire. Pour cela, nous donnerons accès à un(e) AVS à tous les enfants qui en ont besoin afin de suivre une scolarité comme les autres”, c’est ce qu’avait promis Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle. Pérenniser les emplois d’AVS et leur offrir une rémunération suffisante faisaient partie des objectifs du Président actuel. Bien que leur statut ait enfin été stabilisé (après un CDD de 3 ans renouvelable une fois, les AESH obtiennent un CDI), beaucoup d’entre eux exercent encore à temps partiel. Ce détail, qui peut sembler anodin, a des répercussions sur le temps scolaire des enfants, qui pour certains se voient refuser l’accès en classe en l’absence de l’AESH. 340 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés et plus de la moitié nécessite un accompagnement. Or, il n’y a que 110 000 accompagnants, qui doivent par conséquent s’occuper de plusieurs enfants à la fois. De plus, tout comme pour les enseignants, une formation trop générale ou insuffisante fait que beaucoup se sentent démunis face à la lourdeur de certains handicaps.
La déprécarisation du statut d’AESH promise par le gouvernement se fait donc difficilement.
Des failles évidentes
Structures non adaptées, réduction du personnel enseignant, classes en sureffectif, difficultés de recrutement des AESH, manque de moyens… l’école inclusive doit encore faire face à de nombreux dysfonctionnements. Parmi eux, l’aménagement lors des examens pose souvent problème. On peut en effet remarquer un manque de continuité entre les aménagements accordés pendant la scolarité et ceux acceptés le jour de l’épreuve. Par exemple, un élève auquel on aurait accordé un ordinateur tout au long de son année scolaire, et qui se le verrait refusé lors de l’examen.
Les inégalités territoriales font également partie des dysfonctionnements. En effet, les enfants ne pouvant intégrer une classe ordinaire peuvent avoir recours à une classe spécialisée, un IME (Institut médico-éducatif) ou un ITEP (Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique). Mais encore faut-il résider dans un département qui en soit pourvu.
Mais les limites de l’école inclusive se font sentir également sur les élèves concernés : poids du regard des autres encore trop souvent présent, difficultés d’adaptation dans des classes bruyantes et surpeuplées, difficultés grandissantes lors de l’arrivée dans l’enseignement secondaire, et parfois même, des violences physiques ou mentales. “L’école pour tous” ne devrait-elle pas imposer une phase de “sensibilisation pour tous” ?
Depuis 15 ans, l’école inclusive a bénéficié d’avancées majeures, tant au niveau de la reconnaissance des différents handicaps, qu’au niveau de l’aménagement des structures.
Même si les regards changent, les difficultés sont encore perceptibles pour un bon nombre de familles, sachant qu’un élève sur cinq sort du système scolaire sans formation ni diplôme. Un retard face à nos voisins européens et un processus encore inachevé qui laissent une marge de progression à notre pays et à notre service public de l’éducation. Objectif : parvenir à bâtir une école de la confiance dans un esprit de liberté et d’autonomie.